Promising Young Woman : Avenir dérouté

Royaume-Uni et États-Unis, 2020
Note : ★★★1/2

La réalisatrice anglaise Emerald Fennell signe un film énergique, dramatique mais comique sur les abus et violences sexuelles envers les femmes. Carey Mulligan mène cette histoire de vengeance avec aplomb et charme malgré la sévérité du sujet. Promising Young Woman ne fera pas l’unanimité, mais donne une parole (par l’action) à un mouvement que la société ne peut ignorer aujourd’hui. Comédie noire qui veut faire réfléchir, surtout avec sa fin douce-amère.

Cassandra ‘Cassie’ Thomas, une jeune femme avec un avenir prometteur de par ses études en médecine, a tout abandonné pour être une barista désagréable dans un café. Elle vit toujours chez ses parents (Jennifer Coolidge et Clancy Brown) alors qu’elle célèbre son trentième anniversaire, journée qu’elle oublie. Parce qu’un événement a fait basculer sa vie : le suicide de sa meilleure amie Nina à la suite d’un viol. Cassie se fout bien des regards extérieurs puisqu’elle mène une double vie exécutant son plan de vengeance sur les responsables de la mort de Nina, tout en profitant pour donner des leçons aux violeurs qu’elle recherche dans les bars la nuit. Son plan est dérouté alors qu’elle croise par hasard à son emploi Ryan (Bo Burnham), un ancien collègue de classe.

Pour son premier long métrage, celle que l’on connaît surtout pour sa carrière d’actrice (la série Call the Midwife, Camilla Parker Bowles dans The Crown) frappe fort avec Promising Young Woman. Elle signe un scénario amusant, intelligent et surtout divertissant avec un sujet sensible. Fennell a fait le choix d’aborder de front le sujet, sans gêne ou peur de choquer quelconque spectateur. Elle bâtit un discours tout en déconstruisant le vieux.

Mené par une excellente Carey Mulligan, le film aligne une distribution impressionnante, tous pour des petits rôles. Laverne Cox, Christopher Mintz-Plasse, Adam Brody, Connie Britton, Molly Shannon, Alfred Molina,  Max Greenfield, Chris Lowell et Sam Richardson, s’enchaînent dans les différentes scènes. Seuls Bo Burham et Alison Brie ont des rôles majeurs.

Les activités nocturnes de Cassie sont une sorte d’introduction à sa quête principale. Les scènes donnent bien évidemment lieu à des justifications clichées de la part des hommes pris en flagrants abus par notre héroïne. Sans jamais révéler la totalité de ses actions, Emerald Fennel sous-entend beaucoup sur les capacités et les gestes que Cassie peut et a commis. Si ces expositions font plaisir, et donnent le ton, là où le propos de Promising Young Woman s’incarne est lorsqu’elle croise des personnes qui sont directement liées au viol subi par sa meilleure amie. Entre alors en scène Ryan qui lui, n’a pas coupé contact avec les collègues d’études en médecine permettant donc à Cassie de refaire connaissance avec ses futures victimes.

Dans l’exécution de son plan de vengeance, Cassie commence par une « amie », Madison (Brie), qui n’a jamais pris les accusations de Nina au sérieux. Dans un jeu d’intoxication à l’alcool nourri par la nostalgie et la manipulation qu’elle maîtrise parfaitement, Cassie fait vivre l’enfer à Madison. La laissant seule aux mains d’un homme, le plan de Cassandra est de lui faire croire qu’elle a été violée sans en avoir un seul souvenir. La technique, questionnable certes, est de lui faire subir, en pensée du moins, ce qu’elle a toujours refusé de croire.

Commence ainsi une liste de personnes à qui elle donne la leçon. Suivra la rectrice de l’École de médecine (Connie Britton) et l’avocat de l’abuseur de Nina (Molina) avant le violeur (Lowell) et les témoins de la scène (Greenfield et autres). Madison, dans l’enfer psychologique qu’elle vit, remet une copie de la vidéo du viol de Nina, document permettant enfin à Cassie de terminer son plan de vengeance lors d’un enterrement de vie de garçon.

Là où Promising Young Woman est intéressant et se démarque des films de viol et vengeance (le genre rape and revenge) ce sont les différentes scènes où vengeance il y a. Chacune des personnes a une culpabilité différente et donc une conséquence différente. Du mutisme à un témoin inactif en passant par l’autorité qui ferme les yeux, notre héroïne adapte ses vengeances, donnant lieu à des conversations qui se doivent d’être entendues. Les zones grises des débats autour de ces cas d’accusation se trouvent dans ces moments.

Bien que le film soit dynamique, coloré, amusant malgré son sujet lourd, il n’est pas sans faille. Promising Young Woman est en quelque sorte une énorme catharsis dans un enrobage bonbon (voir les pièces musicales brillamment utilisées et les couleurs vives). Le genre rape and revenge joue toujours sur cette jouissance de la catharsis assouvie, vivement vécue, vivement mise en scène. C’est ce qui résonne chez le spectateur. Là où nous en sommes socialement, dans un contexte post #metoo, le spectacle n’est peut-être plus aussi efficace qu’il ne l’était puisqu’il ne fait jamais dans la demi-mesure. Le problème récurrent avec ces films est que la pédagogie est toujours absente de la démarche, tant cinématographique que celle de la protagoniste. Alors que l’existence de ces films demeure un plaidoyer pour que ce genre de crime, d’abus et de violences sexuelles, cessent. Le problème est que la vengeance ne change pas les comportements, elle crée plutôt la peur. Et la peur n’est qu’une tactique pauvre puisque primaire dans ses répercussions qui sont plus souvent qu’autrement temporaires. La peur demeure un dernier recours. En même temps, cette absence de pédagogie est probablement proportionnelle au bilan désastreux du système judiciaire quant aux agressions sexuelles, et ce, partout sur la planète.

Promising Young Woman met en scène ce dernier recours pour Cassandra. Le spectateur comprend parfaitement la démarche de la protagoniste, mais au final, ce n’est qu’une catharsis transformée en spectacle qui ne change rien au problème… si ce n’est nous divertir. Si la fin douce-amère peut diviser, surtout sur l’absence de modèles positifs qui catégorise le film dans le noir ou blanc, ces deux heures réussiront à provoquer une conversation.

 

Bande-annonce originale :

Durée : 1h53

Crédits photos : Focus Features et Universal Pictures

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