Allemagne de l’Ouest, France, 1981
Note : ★★★★
Film culte du réalisateur polonais Andrzej Zulawski, Possession (1981) fait partie de ces films inclassables. Cette œuvre hybride est composée de parties dramatiques et d’autres horrifiques, tenant du thriller et du film politique. Elle porte la marque de son auteur avec un jeu explosif des acteurs et des mouvements de caméra extravagants qui culminent en une œuvre alambiquée, mais qui ne cesse de se renouveler et de susciter l’intérêt, même 40 ans après la sortie du film.
C’est l’histoire d’un couple…
Mark (Sam Neill), agent secret, revient de sa dernière mission et démissionne auprès de ses patrons. Il retourne auprès de sa famille après une longue absence, retrouver son fils Bob (Michael Hogben) et sa femme Anna (Isabelle Adjani). Or, la réunion de la famille n’est pas digne de l’image idyllique que Mark s’était projetée. Les troubles au sein du couple se font de pire en pire, jusqu’à ce qu’Anna demande le divorce à Mark. Après une dépression accompagnée d’un haut taux d’alcoolémie, Mark se reprend en main et, par frustration de s’être fait quitter, engage un détective pour traquer Anna. Mark apprend qu’Anna entretenait une relation avec un autre homme, Heinrich (le merveilleux Heinz Bennent), chez qui il croit qu’il la retrouvera. Or, au grand dam de Mark, Anna ne se cache pas chez Heinrich, et sa traque se poursuit. Le détective parviendra finalement à retrouver Anna dans un appartement délabré de Berlin-Ouest, tout près du mur alors encore debout. À l’intérieur, le détective découvrira le secret d’Anna, un monstre qu’elle maintient en vie, un monstre qu’elle prend comme amant. À ce moment précis l’histoire dérape vers un thriller horrifique à la structure chaotique, mais qui n’en est pas moins divertissant. Plusieurs pistes de réponses sont proposées pour élucider le mystère à savoir pourquoi Anna cherche à tant protéger cette créature, mais aucune n’est confirmée et le mystère demeure entier. Au final, à force de tenter de comprendre sa femme, Mark connaîtra le seul dénouement possible à pareille tragédie, dans une majestueuse mise en scène du réalisateur polonais.
Les multiples couches du récit
Possession est évidemment un film métaphorique, mais dont la signification est difficilement déchiffrable. Maints amateurs ont tenté d’élucider ce mystère, certains avec plus de succès que d’autres, mais sans qu’aucun ne puisse se réclamer de détenir la clé de l’énigme. Effectivement, les pistes de sens qui sont évoquées dans le film fonctionnent comme une fractale : à chaque nouvelle théorie, d’autres en émergent dans une succession quasi infinie. Évidemment, il est exagéré d’affirmer que les interprétations du récit sont infinies, mais on peut en dénombrer plusieurs qui divergent radicalement les unes des autres. Le divorce, la vertu, l’égoïsme, la Guerre froide et la religion sont des pistes souvent évoquées lorsque l’on parle de Possession, le divorce étant la plus plausible considérant que le réalisateur venait tout juste de se séparer lors de l’écriture du scénario. Malgré le message alambiqué, le film parvient à se renouveler et à faire allusion à maintes possibilités remettant continuellement en doute nos hypothèses, sans toutefois alourdir l’écoute de l’œuvre, nous poussant plutôt à avancer dans ce récit en quête d’une réponse.
La caméra libérant l’acteur, la musique décrédibilisant
Zulawski réitère ici sa marque visuelle, soit des plans larges en mouvements, laissant une grande liberté d’interprétation, d’improvisation et de gesticulation aux comédiens. Avec son fidèle grand angle, la réalité est déformée lorsque l’on pourchasse Anna et Mark, ajoutant une couche d’étrangeté à ce film déjà marqué du sceau de l’irréel. La scène du métro, la plus marquante de ce film, illustre parfaitement l’opportunité qu’offre le cinéaste à ses acteurs, une scène dans laquelle Adjani déchaîne une folie terrifiante, où elle crie sa détresse à nous en fendre les tympans et le cœur. En plus d’un découpage hautement singulier, le cinéaste élabore un film qui se tient à distance sécuritaire de l’ennui, faisant plutôt preuve de l’ingéniosité visuelle de l’artiste.
Or, tout n’est pas merveilleux dans ce classique du cinéma d’horreur. On remarquera assez rapidement cette musique qui tente de sublimer la tension (déjà palpable grâce aux performances des comédiens), mais qui ne fait que la pousser vers le ridicule. Avec une composition digne des clichés des années 1970, les notes aiguës retentissent pour nous faire crisser des dents plus que pour nous transporter dans l’œuvre.
Possession est un incontournable du cinéma d’horreur, une œuvre ne se contentant pas d’effrayer le spectateur non averti pendant deux heures, mais qui s’inscrit dans la lignée des films cultes que l’on réécoute chaque année. Ces réécoutes, ponctuées de ces moments desquels nous adorons être terrifiés, renouvellent sans cesse notre interprétation de ce récit, nous laissant l’étrange impression qu’il s’agit, encore une fois, de notre premier visionnement de cette œuvre.
Bande-annonce originale anglaise :
Durée : 2h04
Crédit photos : Gaumont
Retrouvez ici notre article sur Wings of Desire de Wim Wanders.