Polisse : L’enfance mise à l’épreuve

France, 2011
Note : ★★★★

« Il faut lui donner un nom à ce bébé »

Le quotidien des policiers de la Brigade de Protection des Mineurs ce sont les gardes à vue de pédophiles, les arrestations de pickpockets mineurs, mais aussi, la pause déjeuner où l’on se raconte ses problèmes de couple ; ce sont les auditions de parents maltraitants, les dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables ; c’est savoir que le pire existe, et tenter de faire avec… Comment ces policiers parviennent-ils à trouver l’équilibre entre leur vie privée et la réalité à laquelle ils sont confrontés tous les jours ?

Polisse, sorti en 2011, relate le quotidien de policiers qui travaillent pour la B.P.M., à Paris. Maïwenn a réalisé ce film après avoir été au plus près de ce service pendant plusieurs mois, lors d’un stage d’observation. L’œuvre, auréolée du Prix du Jury à Cannes, est percutante et servie par une excellente distribution.

Un réalisme documentaire

Chrys, Iris, Nadine, Nora, Fred… Ces personnages partagent le même quotidien au travail.

En quoi consiste celui-ci ? Auprès d’enfants ou d’adolescents, le quotidien est fragile et les missions délicates. Sauver un nourrisson d’une mère droguée et inconsciente, écouter les témoignages d’enfants ou adolescent.e.s victimes d’abus sexuels, chercher un hébergement d’urgence pour un enfant et sa mère… Des sautes d’humeur entre policières et policiers peuvent survenir, lorsque ces intervenant.e.s font face à ces situations extrêmement difficiles à gérer. La souffrance est parfois tellement lourde que la distance professionnelle se fissure. Le côté « authentique » et proche du réel ressort lors des séquences d’interrogatoire ou de descentes de police. Celles-ci alternent avec des scènes plus intimistes, centrées sur quelques protagonistes et leurs difficultés personnelles.

Ce long-métrage sort du lot non seulement par le choix du thème, mais également par le type de montage orchestré. Le rythme du film est vif, rapide, empli d’interactions entre les différents protagonistes de tout âge : enfants, adolescents et adultes. Le désordre apparent des paroles (discussion à la cantine, lors d’une sortie…) souligne les trajectoires des personnages. L’une des qualités de ce film est de donner la possibilité à toutes et à tous de s’exprimer, chaque personnalité ayant son rôle à jouer au sein de ce long-métrage.

Un film choral

Seconds rôles comme personnages principaux, les acteurs jouent leurs compositions avec brio. Maïwenn se met elle-même en scène de façon discrète, à travers le rôle de Mélissa, une photographe observatrice et réservée. Elle incarne un intermédiaire entre cette dure réalité et nous-mêmes, spectatrices ou spectateurs.

Nous connaissons le talent de la réalisatrice pour mener des films choraux, des scènes de groupes et de disputes entre amis ou au sein d’une famille. En effet, le premier long-métrage de Maïwenn, Pardonnez-moi sorti en 2006, portait déjà les thèmes chers à la metteuse en scène. Tensions, famille dysfonctionnelle et jalousie sont également abordées dans Polisse.

Ici, Karin Viard, Marina Foïs ou encore Joey Starr incarnent des personnages à la fois brillants et complexes. Marina Foïs offre une interprétation remarquable du personnage d’Iris, une femme tourmentée sous son apparence cassante et sans concessions. Malgré ses tentatives, elle ne parvient pas à tomber enceinte et transforme sa douleur en mépris envers la gent masculine.

La complicité entre elle et Nadine, sur le point de divorcer, se développe progressivement en relation brutale. Sont esquissées l’histoire de vie ainsi que la souffrance portée par chacune. Des questions sont soulevées et chacun porte son lot de secrets. La relation entre Fred (Joey Starr) et Mélissa, d’abord sous tension, adopte le chemin inverse et conduit vers une relation riche et prometteuse. Fred aura en effet d’abord du mal à supporter son regard, en tant que photographe infiltrée au sein de la brigade, mais va finalement s’adoucir et comprendre ce qu’elle apporte à l’équipe.

Si certaines scènes d’arrestations et d’interrogatoires font froid dans le dos, elles vont bien au-delà des questions sur le côté sombre de la nature humaine. L’humour parfois présent permet d’adopter une certaine distance, sans perdre de vue l’importance et la gravité de certaines situations. Telle la scène de fous rires au sein de l’équipe, lorsqu’une jeune adolescente ne semble pas comprendre la gravité de son acte pour pouvoir récupérer son téléphone portable. Aucunement Maïwenn ne souhaite ridiculiser le personnage, mais amène le spectateur à réaliser la charge émotionnelle qu’un tel métier implique.

La cinéaste a également su donner de l’espace aux enfants jouant des rôles fondamentaux et avec des interprétations qui sonnent juste. La scène de séparation entre un jeune garçon et sa mère est tournée avec brio. Fred se sentira directement concerné par cette épreuve de vie et devra prendre de la distance avec son travail.

Ce film est riche, percutant, et va au-delà de son sujet. L’univers est cruel, chaque personnage a ses failles, mais la vitalité de la mise en scène permet d’émouvoir avec la distance nécessaire. Ce long-métrage est également un hommage aux personnes qui effectuent un travail remarquable au sein de la police. Ou « polisse », choix de la réalisatrice et écriture enfantine.

***

Durée : 2h07


Crédit photos : Les productions du Trésor, Arte France Cinéma, Mars Films

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