France, Japon, États-Unis, 2006
Note : ★★★ ½
L’arrivée du soleil printanier ressasse le souvenir de Marie-Antoinette, le troisième long-métrage de la réalisatrice Sofia Coppola réalisé en 2006. Bien plus qu’un fragment d’histoire inspiré de la figure mythique qu’était Marie-Antoinette d’Autriche, Reine de France entre 1774 et 1792, il s’agit d’un tableau Rococo à la palette pastel délibérément excentrique et décadent. Marie-Antoinette est un véritable plaisir visuel qui tourne les coutumes monarchiques au ridicule en s’appropriant l’absurdité des artifices tant appréciés par les richissimes personnages qui fréquentent le Château de Versailles : un film pour les dents sucrées!
Un nouveau jouet pour le château
Du haut de ses 14 ans, la jeune archiduchesse d’Autriche (Kirsten Dunst) est transportée jusqu’en France dans le but d’y épouser le Dauphin Louis XVI (Jason Schwartzman). Traitée comme une nouvelle marchandise, la jeune fille est sévèrement scrutée par la noblesse et dépouillée de son identité autrichienne. Littéralement dévêtue chaque matin par son comité d’accueil puis habillée selon les dernières tendances, elle est manipulée comme une poupée. D’abord légèrement choquée par cette audace, la jeune femme réduite à un objet de beauté acceptera ce titre et jouera le jeu : c’est d’ailleurs l’angle choisi par Coppola qui assume une frivolité exubérante sans demi-mesure à travers la mise-en-scène et la cinématographie.
La scène de montage sur le rythme enjoué de la chanson « I Want Candy » par Bow Wow Wow où défilent des coupes de champagnes débordantes, des pâtisseries colorées, des paires de talons hauts, des bijoux scintillants, des tissus, des textures et la gigantesque perruque blonde iconique de Marie-Antoinette, est un moment clé dans le film qui souligne notamment cette intention.
Un Coming of Age sous le signe de la richesse
Cette représentation de l’abondance plastique sur un ton pétillant et joueur rappelle l’insouciance de l’enfance, soit la perspective de la protagoniste qui, rappelons-le, n’est encore qu’une jeune fille dans la première heure du film. Le regard y est naïf et jovial et perçoit le monde politique de la royauté comme secondaire et inintéressant. La structure rappelle celle d’un Coming of Age, où le passage à l’âge adulte devient un tournant déterminant dans le récit. On suit alors l’évolution de Marie-Antoinette à travers les évènements marquants de sa vie; la mort du roi, son couronnement comme nouvelle Reine de France, ses problèmes matrimoniaux, la pression de concevoir un héritier, la naissance de ses enfants et éventuellement la Révolution française.
Retraite idyllique et déni
La deuxième heure du film est orientée vers la vie adulte de la Reine, toujours sous le signe de l’excès. Elle fait la fête jusqu’aux petites heures du matin, fréquente un amant mais surtout ignore complètement les soucis financiers qui assaillent le Château. On ne peut plus suivre le rythme de ses dépenses et cette pression est trop grande pour la jeune femme qui déplacera ses envies luxueuses vers la campagne dans une retraite privée. Loin du Château, elle élèvera sa fille dans des conditions pittoresques avec du lait frais, des poules en liberté et des petites fleurs sauvages. La cadence du montage s’adapte à son nouveau mode de vie plus calme, la musique se fait moins dynamique et la lumière plus douce.
L’heure de la révolution
Marie-Antoinette fait ce qu’elle souhaite, elle profite de la vie sans le moindre souci du monde, jusqu’à ce que tout la rattrape. Les tons des images s’obscurcissent aux dires des mécontentements de la population française : la bulle de perfection est brisée. Le spectateur, tantôt ancré dans une réalité idéalisée coussinée, est enfin soumis au monde extérieur qui crie à l’injustice. C’est sur la note sombre de l’image d’une pièce vide et saccagée du Château, après le départ des royaux, que surgit la fin. La Révolution a eu la peau des toutes ces frivolités.
Marie-Antoinette encapsule l’évolution d’une jeune femme épicurienne dans un milieu extrêmement riche à travers le format d’un Coming of Age. Sofia Coppola déroge de la forme traditionnellement sérieuse des films d’époques qui dépeignent la royauté en optant pour un angle vif et coloré, axé sur la jeune femme qui se cache derrière la figure de la Reine. Il s’agit d’une écoute agréable où l’esthétisme de l’image prône sur le contenu. Un film qui par son atmosphère, rappelle l’arrivée des jours d’été et de prélassement.
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Durée : 2h03
Crédit photos : Sony Pictures Entertainment