Le dernier Nataq : Réfléchir l’Homme par son territoire

Québec, Canada, 2019
Note : ★★★ 

Ce documentaire de Lisette Marcotte, également productrice et monteuse, se démarque non par sa forme, mais par la sensibilité et la tendresse qui s’en dégage. Le film touche quiconque le voit par cet éloge que la réalisatrice fait de sa région, l’Abitibi, et celui qu’elle fait de Richard Desjardins, auteur, compositeur, interprète et cinéaste.

La capacité d’émouvoir de l’oeuvre est indéniable. Malgré l’historique qui est retracée et les nombreux enjeux sociaux, environnementaux et sociétaux qui sont abordés, on demeure dans la flatterie plutôt que dans l’information. On comprend toutefois que ce film a été produit avec un amour et une implication très personnelle de la part de la cinéaste.

Contenu puissant, rythme lent

Le point de départ de l’œuvre est le projet de murale fait en l’honneur de l’artiste qu’est Desjardins. Cette murale sert de prétexte pour investiguer l’icône québécoise et le pouvoir de façonnement qu’un territoire peut avoir sur un individu et sur une collectivité, mais aussi de chercher l’âme de celui-ci. La réalisatrice fait appel à un professeur, un journaliste et des musiciens qui nous permettent d’en apprendre sur l’Abitibi, sur son histoire et son importance dans l’assimilation et la constitution d’une culture. Les photos d’archives et les chansons de Richard Desjardins qui meublent la trame sonore et le cadre sont très efficaces et complètent bien le message véhiculé. Toutefois, cela ne parvient pas à donner une dynamique et un rythme suffisant pour nous tenir en haleine. Le film progresse tranquillement et construit une dimension poétique et mythologisante de Desjardins. Cette lenteur fatigue et alourdit l’expérience de visionnement.

Les émotions avant tout

La structure du documentaire est bien, mais l’abondance des interventions d’ordre émotionnel éloigne le spectateur d’un élément du postulat de départ : le territoire. Il semble y avoir un déséquilibre entre la place qui est accordée au sujet exploré et celle donnée à l’artiste. La question territoriale est d’abord capitale et devient progressivement un contexte plutôt qu’une entité approfondie.

Se pencher sur Richard Desjardins consiste aussi à aborder ce qui le constitue comme artiste et ce qui le préoccupe depuis Comme des chiens en pacage (1977) en passant par L’erreur boréale (1999) et Le peuple invisible (2007). Tous ces enjeux se rejoignent autour d’un concept qui sera le thème clé du documentaire, le territoire. Lisette Marcotte s’intéresse à Rouyn-Noranda, comme le berceau de l’homme et de la poésie de Desjardins. La posture adoptée par la réalisatrice est fort pertinente et permet de créer une ambiance qui est intimiste et réconfortante.

La touche personnelle et l’engagement de la réalisatrice sont louables et contribuent à établir une intimité entre les muralistes et Richard Desjardins avec les spectateurs, mais cela ne suffit malheureusement pas à faire abstraction des quelques lacunes qui ressortent. Le film réaffirme et réintroduit des enjeux sociétaux et environnementaux que l’on pense acquis, mais qui demeurent d’actualité et bouleversants. Le dernier Nataq est plaisant à regarder, mais il manque de profondeur.

 

Bande annonce originale :

Durée : 1h15

Crédit photos : Les Productions La Vie Devant Soi

 

Vous en voulez plus? Lisez notre critique du film Écartée de Lawrence Côté-Collins, un faux documentaire qui se déroule en Abitibi!

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