États-Unis, 2019
Note : ★★★
L’artiste éclectique, unique et multidisciplinaire, Miranda July revient avec son troisième long métrage en tant que réalisatrice et scénariste, Kajillionaire. Neuf années se sont écoulées depuis sa dernière offrande The Future qui, elle, succédait à Me and You and Everyone We Know (Caméra d’or au Festival de Cannes 2005). La cinéaste, mais aussi actrice, musicienne, écrivaine, photographe, etc., explore la vie émotionnelle d’une jeune femme de 26 ans restreinte à la réalité d’une vie de famille de petits voleurs.
Old Dolio (interprétée par Evan Rachel Wood) a grandi avec des parents particuliers; petits voleurs, petits arnaqueurs, organisateurs de petites fraudes, mais surtout émotionnellement restreints. Old Dolio n’a jamais reçu d’affection de ses parents (parfaitement excentriques Richard Jenkins et Debra Winger), ne servant qu’à l’exécution des différentes arnaques qu’ils ont concoctées. Seule possibilité de valorisation parentale : élaborer une arnaque rentable. Étant dans une situation financière précaire, la famille doit mettre la main sur 1500$ pour payer leurs trois mois de loyer de retard de leurs bureaux/domicile. Lors d’un coup de fraude d’assurance voyage, les escrocs rencontreront Melanie (expressive et lumineuse Gina Rodriguez) qui sera invitée par les parents à participer aux escroqueries familiales. Old Dolio alternera entre jalousie et curiosité émotionnelle, la présence de Melanie chamboulant sa vie dans tous les sens.
Miranda July reste fidèle à ses autres œuvres en ce sens qu’elle insuffle à ses histoires une touche de douce absurdité. Ici, c’est surtout le jeu de son actrice principale Evan Rachel Wood (posture, voix basse, mimiques), et la mousse rose que sécrète le mur de leur local qui ponctue les différentes journées. Moins excentrique que The Future avec la narration du chat et son incarnation en marionnette, Kajillionaire est plus près du film qui lui a mérité la Caméra d’or en 2005. Dans son enrobage de comédie, le film dévoile son côté dramatique lorsque Old Dolio commencera à vouloir plus de sa relation avec ses parents. Exprimer de l’affection se révèlera être une dure tâche pour les escrocs de longue date que sont Theresa et Robert.
Sans être aussi marquant que ses deux autres films, Kajillionaire fait passer un bon moment à ses spectateurs. La force de July demeure sa profonde humanité qu’elle injecte dans des situations absurdes; elle ne rate pas son coup ici. Wood rend justice à la condition de son personnage en nous offrant une performance à la fois drôle, mais surtout touchante aux différents moments de frustration, trahison et déclaration émotionnelle. Une scène d’expression émotionnelle (que l’on peut deviner être sa première à vie) est particulièrement réussie; la réalisatrice réussissant une parfaite balance entre comique et déchirement émotionnel. Gina Rodriguez incarne à travers Melanie cette voix de la normalité accrochant à la fois Old Dolio à une vie émotionnelle plus saine et les spectateurs au monde plus réel… ou du moins normal. Les aventures de Kajillionaire sont certes divertissantes, mais ce divertissement a un prix émotionnel qui est constamment payé par Old Dolio.
Le dernier film de Miranda July est divertissant, mais surtout émotionnellement dur, tendre et juste. On a connu la cinéaste plus inventive dans sa mise en scène, mais Kajillionaire saura plaire à ses fans, tout comme à ceux qui la découvriront.
Bande-annonce originale anglaise :
Durée : 1h46
Crédit photos : Focus Feature