Changement de registre pour les frères Dardenne avec cette fille inconnue dont le rôle-titre est interprété avec conviction par la nouvelle égérie du cinéma français. ♥♥♥½
Jenny, jeune médecin généraliste, se sent coupable de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte peu de temps après. Apprenant par la police que rien ne permet de l’identifier, Jenny n’a plus qu’un seul but : trouver le nom de la jeune fille pour qu’elle ne soit pas enterrée anonymement, qu’elle ne disparaisse pas comme si elle n’avait jamais existé.
Revenus bredouilles de Cannes (fait rarissime), les frères Dardenne sont repassés en salle de montage afin de revoir leur dernière offrande en vue de la sortie en salles. Résultat: 7 minutes de moins au compteur et une orientation plus sociale que policière comme initialement décrite par la presse. Car pour La fille inconnue, ils réalisent ici une sorte de thriller avec toujours de longs plans séquences…prouvant ainsi qu’ils sont à l’aise autant dans les drames que dans le policier. Si Cécile de France et Marion Cotillard étaient les deux précédentes actrices bankable choisie pour être leur héroïne (dans leur seconde partie de carrière), c’est cette fois Adèle Haenel qui s’y colle avec conviction (peut-être d’ailleurs parfois trop tant ses yeux et son implication trahissent son investissement). Elle incarne ici une jeune femme médecin en proie à des remords, un mal-être qui la conduira à réaliser une sorte d’enquête au sein même de son petit village de Belgique.
La force des Dardenne demeure, comme toujours, de réussir à rendre fluide une mise en scène qui finalement ne se borne qu’à une succession de longs plans séquence. De ce point de vue, le travail avec les comédiens a dû être important et même passionnant car la caméra est fluide, les mouvements sont beaux et naturels. Il ne semble d’ailleurs n’y avoir aucun champs-contre-champs. Le récit, lui, n’est pas forcement toujours captivant. Il a cela de commun avec Deux jours Une nuit dont le scénario était lui aussi une enfilade de dialogue. Si Adèle Haenel fait son enquête, c’est au travers les rencontres et les dialogues interrogatoires un peu comme Marion Cotillard dans le précédent opus. Cette dernière se bat également dans une enfilade de dialogues de persuasions. Certes, leur quête est différente mais le cheminement parait toutefois le même. Légers flottement pour La fille inconnue dans le récit, l’ensemble est pourtant cohérent et bien que moins fort que la plupart de leurs propositions sociales antérieures, le défi semble finalement relevé.
Changement de registre réussi donc ! Lorsqu’on sait que leur prochaine réalisation traitera du terrorisme (comme Bertrand Bonello qui a osé le pari de Nocturama)