Green Room est sorti sur nos écrans vendredi. L’occasion de s’entretenir avec son réalisateur Jeremy Saulnier qui nous parle de la genèse du projet, du casting et de ses influences.
Comment le projet est-il né ? Qu’est ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire ?
Quand j’étais jeune, j’adorais réaliser des films de genre avec mes amis. Des histoires avec des zombies ou bien des adaptations violentes de Shakespeare. Le film le plus violent que j’ai fait était une adaptation de Macbeth avec des loups garous ! Avec ces mêmes amis, on allait voir des concerts de punk et on avait également notre propre groupe. Green Room correspond donc à ce que j’étais dans ma jeunesse. J’ai toujours voulu faire un film qui se déroulait dans l’univers du punk-rock. J’adore des films comme Repo Man, Suburbia ou encore Le Retour des Morts-Vivants 2. J’aime beaucoup l’esthétique de ces films. J’ai eu rapidement l’idée de faire un film de siège qui se déroule dans l’arrière-salle d’une salle de concert mais je n’avais pas les moyens de mettre en œuvre ce projet. C’est après le succès de Blue Ruin que ça a pu se concrétiser. J’ai donc commencé à faire des recherches en interrogeant mes amis qui ont fait des tournées avec leurs groupes car il fallait que ça ait l’air authentique. La phase d’écriture a finalement été assez rapide car je savais dans quelle direction je voulais aller. Il s’est écoulé à peine plus d’un an entre le moment où j’ai écrit la première page du scénario et la fin de tournage. Tout s’est passé très vite.
Vous parliez de votre précédent film Blue Ruin. A part l’histoire, quelles sont les différences significatives entre celui-ci et Green Room? Vouliez-vous faire un film plus brutal, plus graphique ?
Blue Ruin a quelque chose de très contemporain. Il ressemble à ce que je suis maintenant. Green Room a plutôt à voir avec ma jeunesse. C’est un film de genre très violent, proche du cinéma d’exploitation que j’aimais. Il possède l’énergie et l’insouciance de la jeunesse.
Un des aspects marquants de Green Room est son rythme bien particulier. Il y a beaucoup de scènes d’action mais vous aimez faire rapidement retomber la pression pour vous intéresser à l’étude de vos personnages et leurs interactions. Pensez-vous vos films avant tout par les personnages ?
Totalement. C’est intéressant que vous me posiez la question parce qu’on m’a déjà reproché de ne pas assez développer mes personnages. C’est l’une de mes grandes joies d’avoir le contrôle sur un scénario où l’évolution psychologique et physique des personnages se fait de manière assez naturelle sans forcément insister sur leur historique. J’ai ainsi l’impression de le rendre les plus authentiques possibles. Ce qui mène l’action est aussi le fait qu’ils font des erreurs, les rendant ainsi crédibles. Il est alors possible de s’identifier à eux et cela permet une implication émotionnelle du spectateur. Il était important de voir comment les personnages se perçoivent au début et comment ils réagissent quand ils se retrouvent dos au mur. Tout cela dans un contexte d’anarchie et d’idéologies extrêmes. Il fallait aussi explorer ces structures, mettre en avant la différence entre l’idéologie et leur application. Le film est dur et violent mais c’est avant tout une histoire de survie. Les personnages sont bloqués et doivent tout faire pour s’en sortir.
Pouvez-vous parler un peu du casting ? Anton Yelchin et Imogen Poots jouent les personnages principaux. Ces jeunes acteurs avaient déjà joué dans des films d’horreur et gores. Est-ce que ça a influencé votre choix ?
Anton a joué dans des films fantastiques tels que le remake de Fright Night mais pas dans un film d’action tel que celui-ci. Le rôle requérait certaines aptitudes et je voulais quelqu’un qui ait l’air authentique, qui ressemblait à des gens que j’ai connu dans ma jeunesse. Mais les jeunes acteurs que j’ai rencontrés étaient plein d’énergie et prêts à se mettre en danger. Le plus difficile a été de trouver un acteur pour le personnage de Darcy. Le choix de Patrick Stewart s’est finalement imposé. Il avait déjà joué des méchants mais son personnage dans Green Room est probablement le plus sadique et cruel de sa carrière. Il est connu pour ses rôles dans de grosses franchises mais il ne faut pas oublier qu’il vient du théâtre et qu’il a une palette de jeu très large. Son rôle est d’ailleurs complexe, c’est un personnage à fois très calme mais également capable du pire.
Votre cinéma est loin des standards du film de genre aujourd’hui, cinéma d’horreur compris. On est dans une époque où le post-modernisme prime et où il y a beaucoup de remakes et de suites. Est-il devenu difficile de tenter et raconter quelque chose de nouveau aujourd’hui ?
Quand j’étais petit, beaucoup de films que j’aimais étaient des remakes : The Thing de John Carpenter par exemple. Mais les cinéastes étaient moins conscients de leurs références. C’est quand le film affiche volontairement ses références que ça m’ennuie. Dans le cinéma d’horreur contemporain, les personnages semblent de plus en plus faire des clins d’œil à l’audience. Scream a été le premier à faire ça et c’était plutôt réussi mais c’est devenu maintenant omniprésent. Cependant, Green Room a certains points communs avec les films que j’aimais jeune mais dans le sens où il adopte un ton sérieux loin de toute forme d’ironie.
Quelles ont été vos influences ?
Chiens de Paille (Sam Peckinpah, 1971) a été une influence indéniable sur moi dans sa capacité à déclencher l’action dans un contexte de siège. J’adore également John Carpenter et les frères Coen.
Le film m’a d’ailleurs rappelé Assaut sur le Central 13, pour le huis-clos et le fait que des personnages que tout oppose doivent s’allier pour combattre une menace extérieure…
Ce qui est amusant c’est que j’ai vu ce film après avoir fini la deuxième mouture du scénario. Je ne l’avais pas vu et je ne voulais pas le voir avant d’avoir les bases de mon histoire. Ce film est devenu une influence après. Son atmosphère et sa simplicité m’ont beaucoup plu et cela m’a rassuré quant à la direction dans laquelle je voulais aller.
Avez-vous éprouvé des difficultés particulières pour la concrétisation de ce projet ?
C’était un challenge car c’était mon premier film financé par un studio donc par d’autres personnes. J’ai du apprendre la diplomatie et la bureaucratie. Une partie de mon énergie était dirigé vers la communication avec ces personnes, chose à laquelle je n’étais pas habitué. J’ai appris comment ça fonctionnait tout en faisant mon film. Tout ce qui que concerne les challenges techniques me plait beaucoup donc le véritable challenge était de faire un film au sein du système.
Quels sont vos projets ?
J’en ai plusieurs. Au cinéma mais également à la télévision. Mais je ne sais pas encore quelle va être la suite directe. Je sais que j’ai très envie de réaliser un film dont je n’ai pas écrit le scénario. Cela pourrait offrir une nouvelle perspective intéressante : me focaliser uniquement sur la mise en scène.
Ma critique de Green Room: http://www.cinemaniak.net/green-room-film-evenement-de-jeremy-saulnier/