God save Justin Trudeau

Quand un libéral fesse dans un conservateur – ♥♥♥½

Le 31 mars 2012, un combat de boxe est organisé à Ottawa pour rassembler des fonds pour la lutte contre le cancer. Il opposera Justin Trudeau, alors député libéral de Papineau et Patrick Brazeau, sénateur conservateur.

GODSAVEJUSTINTRUDEAU_AFFICHEL’idée de départ était de s’intéresser à ce combat incongru entre deux hommes, métaphore formidable de la politique bipartiste canadienne. La portée de l’image de l’opposition de ces deux hommes (partis politiques, origines sociales et géographiques) est aussi intéressante que ce qu’ils ont en commun : ils ne correspondent pas au profil classique de l’homme politique et sont en quête de crédibilité et de reconnaissance publique. Personne ne mise sur la victoire du frêle Justin contre cet ancien militaire, ceinture noire de karaté. Certains y verront le combat de Bambi contre Godzilla. Finalement, le match «the Canadian kid vs. Brazz knuckles» passionnera bien au-delà du Canada et scellera la renaissance voire l’avénement d’un homme aux ambitions nationales.

Alors Justin Trudeau correspond tout à fait à l’image qu’on trace habituellement de lui avec des phrases à l’emporte-pièces, au sens difficile à saisir (ses explications sur les signes cosmiques motivant  ses engagements vous laisseront pensifs) ou totalement venues de nulle part  («On m’a mis sur la Terre pour faire ça » dit-il avant le combat à sa femme, qui lui demande d’être humble). On oscille entre l’incompréhension et la consternation, mais on en apprendra aussi un peu sur l’homme, ses relations ambiguës avec son illustre père et on pourra même s’étonner d’une esquisse de stratégie, quand il explique bien mesurer l’importance et la portée du symbole, lui qui «voulai[t s]e battre contre un conservateur classique méchant »).

Tableau de la politique canadienne réduite à un spectacle de cirque ? Portrait d’un homme ? Chronique sportive ? Embrassant ces divers champs, Guylaine Maroist et Éric Ruel mélangent les genres et les pistes pour proposer au final un divertissement passionnant, une critique sociale mordante, voire un film aux allures de suspens. Ils font bien ressentir la pression qui régnait sur les hommes autour de cet évènement avec des extraits d’émissions politiques où Trudeau est brocardé, insulté en direct, promis à l’oubli public après une énième bévue, les extraits de «débat» en chambre des communes ou encore les regards avides de violence et les cris du public, autour de l’arène. Le montage d’Éric Ruel, très dynamique, et la musique, choisie avec une délicieuse ironie accentue encore le ridicule et le second degré du propos.

Alors ce n’est pas un tableau gratifiant de la politique ni l’hagiographie d’un des candidats au poste de PM, mais c’est un documentaire qui aurait tout autant plus être un film de fiction, utile et terriblement actuel.

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