Fumer fait tousser : Histoire(s) de monstres et de super-héros

France, 2022
Note : ★★★

Quentin Dupieux a bâti sa carrière cinématographique sur un principe simple, mais efficace : trouver une idée absurdement simple et l’exploiter de manière complètement imprévisible dans une durée dépassant rarement les 90 minutes. Rubber et son pneu tueur, ou encore Mandibules (notre critique ici) et sa mouche géante, sont de bons exemples de son style excentrique et accrocheur. Fumer fait tousser, son dernier projet qui a fait parler de lui durant les séances de minuit du Festival de Cannes, est dans la digne lignée de la filmographie du réalisateur en termes de comédie, mais se démarque du reste de sa filmographie par sa structure narrative. Il s’agit d’un choix intéressant, mais qui empêche le film de pleinement assumer sa prémisse.

L’union fait la force

Le sujet est ici grandement inspiré des Super sentai, un sous-genre du film de super-héros venant du Japon popularisé en occident par des séries comme Power Rangers. La troupe, qui s’appelle la Tabac Force, est composée de cinq justiciers puisant leurs pouvoirs dans les ingrédients de cigarette — ammoniaque, nicotine, benzène, méthanol et mercure. Après une lutte féroce contre un monstre, les héros sont envoyés par leur chef en repos forcé pour renforcer la cohésion de groupe en préparation pour le prochain combat, plus effroyable encore…

Le premier tiers du film est le travail d’un Dupieux en pleine forme. Il détourne les codes du Super Sentai avec une absurdité qui lui est propre, que ce soit en se moquant des costumes de monstre en caoutchouc, du côté futuriste de ce genre d’histoire ou avec la bande de héros beaucoup plus terre à terre que les adolescents idéalistes servant habituellement de protagonistes. Le clou du spectacle reste cependant le rôle du maître prenant ici la forme d’une marionnette de rat à la Muppets avec la voix d’Alain Chabat. Le contraste entre le pantin aux airs maléfiques salivant en permanence une muqueuse verte et la voix neutre de Chabat qui semble lire ses lignes pour la première fois est absolument délicieux.

Trop d’idées?

Si cette introduction laisse entrevoir une comédie dont la folie rivalise avec les projets les plus reconnus du cinéaste, la suite fait pourtant comprendre que l’histoire prendra des directions plus variées que de simplement suivre des héros en collants. En effet, les justiciers en vacances profitent du repos qui leur a été imposé pour se conter des histoires d’épouvante autour du feu, un procédé qui rappelle fortement Les contes de la crypte (l’un des personnages en fera même la remarque). L’intrigue principale est ainsi coupée par des segments pseudo-horrifiques qui gardent la marque de fabrique du réalisateur, mais qui n’ont rien à voir avec le sujet du film.   

Soyons clairs, il est courant dans les films de Dupieux d’avoir une intrigue secondaire pour varier les sources de comédie. Son film précédent, Incroyable mais vrai, en est un bon exemple, avec une sous-intrigue concernant une bite électrique qui est aussi mémorable que le sujet premier du film. Ici, cependant, les multiples histoires coupent le sujet principal au lieu de le complémenter de manière organique. Ces apartés dans l’histoire se ressentent comme des concepts que le réalisateur voulait vraiment utiliser malgré le manque de profondeur nécessaire pour justifier un projet à part entière. Les utiliser pour réaliser un film d’anthologie est intéressant, mais avec une proposition principale aussi prometteuse, le mélange semble mal venu.

Fumer fait tousser fera certainement la joie des amateurs du cinéaste français par son humour décalé, toujours aussi efficace. Il est cependant regrettable que le film fusionne plusieurs bonnes idées n’allant pas dans le même sens. La volonté de mélanger deux stéréotypes narratifs aussi différents est louable, mais le résultat est doux-amer, une suite d’histoires captivantes présentées dans une structure peu engageante. L’arrivée de Benoît Poelvoorde en méchant intergalactique vers la fin et une conclusion qui frappe par sa banalité, font plaisir, mais il aurait fallu en avoir plus.

Bande-annonce originale :

Durée : 1h20
Crédit photos : Unifrance

Ce film a été vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma 2022.

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