L’étrange couleur des larmes de ton corps

Après un impressionnant premier film référencé, le duo Cattet/Forzani déçoit à trop pousser la note – ♥♥

Un homme revient de voyage, arrive chez lui, sa femme est introuvable. 

Difficile de résumer un tel film qui relève plus de l’expérience cinématographique que de la simple fiction narrative. La disparition d’une femme est le point de départ de l’étrange exploration d’un immeuble Art nouveau, à Bruxelles, immeuble dont les murs cachent une dimension où se perdent les locataires, où d’autres y vivent. La proposition conceptuelle et formelle est alléchante. Hélène Cattet et Bruno Forzani, jeunes cinéastes belges, nous avaient offert un premier film, Amer, extrêmement étudié, découpé, référencé, un hommage vibrant au genre très spécifique du giallo, thriller horrifique italien des années 70. Malgré l’extrême découpage de cette oeuvre, le fil conceptuel semblait plus rigoureux, moins chaotique que dans cette nouvelle proposition, tout en nourrissant l’étonnement continuel du spectateur sur les plans esthétique et quand même narratif. L’étrange couleur… développe pourtant la même veine, dans un lieu unique aux multiples recoins. Qu’est-ce qui fait que le nouveau film fonctionne moins? L’effet de surprise passé et donc le sentiment de mécanique arbitraire? La multiplication des pistes laissées dans le doute et la frustration du spectateur? Tout comme la bâtisse qui abrite des êtres à l’intérieur de ses murs, le film renferme certainement « quelque chose » (quoi que ce soit) derrière sa structure… Or on y cherche désespérément une cohérence symbolique ou formelle, à défaut d’une cohérence thématique. À force d’épuiser les images par des coupes qui se payent cher (on dirait plus du Michael Bay que du Michael Snow), et à force de renversements de situations et d’images, le vertige voulu disparaît, car aucun fond n’est visible. À un moment donné, l’attirance du vide n’opère plus.

La création plastique à l’intérieur de l’oeuvre tue l’oeuvre elle-même, ne laissant aucune empreinte émotionnelle et la tension installée au début du film se relâche, faute de suspense, d’attentes. Reste le rêve de ce que l’oeuvre aurait pu être, où les angoisses les plus viscérales nous auraient hantés longtemps après la projection.

France, Belgique, Luxembourg, 2013 – Durée: 102 min. – Scénario et réalisation: Hélène Cattet, Bruno Forzani – Int.: Klaus Tange, Ursula Bedena, Joe Koener
 

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