Étienne Hansez s’est imposé comme un producteur incontournable dans les dernières années. Sa collaboration répétée avec la cinéaste Sophie Dupuis depuis Chien de garde a séduit l’industrie, au point où les projets pleuvent à sa boîte de production Bravo Charlie. Rencontre avec un producteur qu’il sera impossible de ne pas remarquer dans les prochaines années.
Cinémaniak l’a rencontré à l’occasion de la sortie en salles de Souterrain, second long métrage de Sophie Dupuis dont il est le producteur.
Marc-Antoine Lévesque : Quel est le principal défi pour un film de mine?
Étienne Hansez : Les lieux. C’est ce qui est peut-être plus intéressant. Ça nous a pris un an et demi de négociation pour tourner dans les mines.
MAL : Le financement s’est bien passé?
ÉH : Si tu regardes de manière assez logique, on sort de Chien de garde qui est une très belle réussite autant nationale qu’internationale. On est dans un premier long métrage. Franchement, on a coché l’ensemble des cases et des attentes qu’on pouvait avoir. On a fait un peu plus de 150 000$ de box-office tout compris. Si tu te remets avant covid il y a quelques années, c’était beaucoup pour un film d’auteur. Par comparaison, les films d’auteur qui arrivaient 55-60 000$ c’était correct. On représente le Canada dans la course aux Oscars, c’est une reconnaissance aussi. Mais le film a trouvé son public. Les critiques étaient quand même très bonnes. On est dans une logique que le scénario [de Souterrain] est fort, on est dans un bon momentum avec les institutions, donc le financement ça se fait.
MAL : C’est donc plus le lieu le défi?
ÉH : Il n’y en a pas eu de film tourné à l’intérieur même d’une mine. Le dernier qu’il y avait eu était Je me souviens d’André Forcier, mais c’était un film d’époque dans une mine qui était fermée. Tourner à l’intérieur d’une mine dans des conditions où les mineurs travaillent, c’est chaud quoi. C’est venu avec une liste totale d’exigences qu’on a dû respecter. Pire que covid. Ça a été quelque chose de tourner là-dedans. Ça a été demandant. Mais je ne pense pas que l’on aurait pu le faire cette année par exemple.
MAL : Hormis les négociations pour le lieu, est-ce que la collaboration créative avec Sophie est restée la même?
ÉH : La collaboration s’est développée. Chez Bravo Charlie j’ai toujours essayé d’avoir un accompagnement sur mesure au créateur ou à la créatrice. Ce n’est pas à elles ou à eux à s’adapter à moi, c’est l’inverse. Plus tu travailles avec les créateurs et les créatrices, et plus, normalement, tu es dans une connaissance de qui elle est ou qui il est et donc, ses besoins. Tu évolues en tant que personne. Je pense qu’on est arrivé avec Sophie à une relation où il y a une grande complicité et une grande envie chez l’un comme chez l’autre, et ça c’est plutôt rare, qu’il y aille un développement créatif et personnel. Ce n’est pas pour rien que je produis son troisième film. On s’aime beaucoup.
MAL : Un mariage professionnel en quelque sorte?
ÉH : C’est un mot que je n’aime pas, parce que c’est ringard. Moi, ma job, c’est de la permettre d’aller au bout de ses besoins créatifs. C’est ça ma job.
MAL : Quel est le prochain projet?
ÉH : J’attends les réponses de la SODEC pour le prochain projet de Robin Aubert [NDLR : le projet du réalisateur de Les Affamés a récemment été financé par la SODEC]. Ça c’est une grande fierté pour moi de pouvoir travailler avec Robin, parce que c’est vraiment un créateur que j’admire, qui a une signature extrêmement forte. Qui est aussi arrivé à un moment de sa vie, je pense, où le besoin d’exprimer est total. Donc pour moi c’est une grande grande grande fierté de pouvoir collaborer avec lui. C’est un film surtout qui est adaptable; c’est un film où il y a un comédien. Donc dans ce système-là et dans ce point de vue covid, c’est un peu l’idéal. J’ai très très hâte.
MAL : D’autres en développement?
ÉH : J’ai un projet avec Jeanne Leblanc [NDLR : réalisatrice de Les nôtres et Isla Blanca]. J’ai le prochain projet aussi de Sophie Dupuis, Drag, qui a été financé en développement. J’ai un projet également avec Louis Bélanger et Antoine Jaccoud qui est le scénariste de Ursula Meier. Gros projet de coproduction. Louis est à la réalisation et Jaccoud à la scénarisation avec Louis, mais c’est vraiment Antoine Jaccoud qui est le moteur au niveau de la scénarisation. J’essaye de travailler avec Jean-François Pouliot également et Brigitte Poupart.
MAL : Ce sont tous des créateurs et créatrices de renom.
ÉH : J’ai des beaux créateurs et des belles créatrices. Ce qui m’intéresse c’est de travailler avec des gens qui font ça pour les bonnes raisons. Toutes les personnes avec qui je travaille, toutes les créateurs et les créatrices, ça rentre vraiment dans le pourquoi je veux faire du cinéma. C’est vraiment faire des films d’auteur avec des signatures très fortes mais où le public a une très grande place, donc qui sont populaires également. Parfois ils vont être plus populaires et d’autres un peu moins.
MAL : On en revient à Souterrain donc? Comme le film joue sur cette ligne-là, dans un équilibre de film populaire et de film d’auteur.
ÉH : Pour moi, Souterrain c’est le film qui correspond le mieux à cette définition-là. C’est un film qui est plus populaire que Chien de garde mais qui a une signature forte quand même.
MAL : C’est une question de thèmes explorés aussi non?
ÉH : Ce côté populaire, ce sont les trames narratives oui. C’est un film qui parle de la fierté, la fierté d’une région, la fierté des mineurs.
Bande-annonce originale :
Crédits photos
Photo de couverture et portrait : Prune Paycha
Photos de plateau : Christian Leduc