Entrevue avec Maxime Desmons pour What we have

What we have, c’est le premier film d’un français établi en Ontario: Maxime Desmons.

What we have, c’est aussi le traitement de l’intimidation avec beaucoup de sincérité.

What we have c’est enfin un long métrage tout petit en terme de budget (et de financement) mais réalisé avec beaucoup de passion et le souhait pour son réalisateur de porter à l’écran le questionnement identitaire personnel qu’il intervienne à 40, 28 ou 15 ans. C’est aussi l’histoire d’un adulte homosexuel et qui tentera, tant bien que mal, d’accompagner un jeune adolescent dans son acceptation identitaire…. Mais à quel prix ?

« You’re going to break his heart » dira la grand-mère dans l’une des plus belles scènes du film… C’est celle que Maxime Desmons choisira afin de conclure notre entrevue. De passage à Montréal pour la première de son film, il est revenu sur son parcours et sur son premier long métrage qui, on l’espère, trouvera une distribution des deux côtés de l’océan.

Entrevue

Syril Tiar : What we have est ton premier film Maxime, quel est ton parcours ?

Maxime Desmons : En fait, je suis un français établi en Ontario depuis onze ans. En France, j’ai  fait le théâtre national de Strasbourg… Et en 2001, alors que j’avais un billet d’avion pour New-York….sont arrivés les attentats qu’on connait…donc j’ai dû faire changer ma destination pour Montréal. J’ai adoré. De retour en France, j’ai décidé de faire mon immigration assez vite. Une fois obtenue, j’ai atterri ici et fait les auditions du théâtre de quat’sous. A ce moment-là, Wajdi Mouawad vient me voir car il cherchait des acteurs pour la distribution d’un de ses projets.

Je venais d’arriver et plein d’autres projets me sont tombés dessus… C’était super mais je savais que je ne voulais plus raconter les histoires des autres mais les miennes. Au même moment je suis tombé amoureux de la personne qui est aujourd’hui mon mari.

ST : Donc tu es parti en Ontario ?

MD : Oui…j’ai commencé à apprendre l’anglais, à écrire…j’ai eu des subventions d’écriture…puis réalisé mon premier court métrage qui a été acheté par CBC… Mon second a même été à Berlin (Bonne mère) … Après j’ai eu l’envie de développer des projets de long métrage…What we have était le premier. Au départ le récit était très basé sur l’intimidation….A chaque fois que je voyais dans la presse le suicide d’un ado, cela me fendait le cœur. J’avais besoin de sortir quelque-chose de ça. Après des séances de réécriture, j’ai fini par écrire le scénario final de What we have qui est un mélange de l’histoire d’un ado avec quelque-chose de plus autobiographique qui est la quête de l’immigrant, d’un personnage hanté….

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ST : Il y a donc un caractère autobiographique au film ?

MD : Il y a plusieurs endroits en effet…La solitude de l’immigrant, la peur de l’autre ou de ne pas être intégré.  J’ai ressenti ça à Montréal. Quand je suis arrivé, on m’a accueilli à bras ouverts…mais j’avais du mal à l’accepter.

ST : Il y a aussi des inserts flash-back d’époque….

MD : Oui on a tourné ça en France en Super 8 avec ma famille que j’ai embauchée pour quelques jours. J’ai pris mon petit cousin pour interpréter cet enfant…Pour moi c’était très important d’avoir les souvenirs français…

ST : Le film a un constat de départ assez triste mais jamais traité dans le mélo. Le film n’est jamais triste….

MD : En effet, à aucun moment je voulais que la communauté qui œuvre autour du personnage principal soit triste…Au contraire…cela se passe beaucoup dans sa tête…

ST : Oui, il semblerait qu’il n’ait jamais surmonté son passé…

MD : C’est ça oui…Et d’ailleurs la première version du scénario se passait à Toronto, l’histoire était très urbaine. Et ma productrice m’a amené à North Bay…là-bas, c’est devenu une évidence.

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ST : Le film traite à la fois de l’intimidation et des apparences….Cela me permet d’en venir à ton comédien, Alex Ozerov, qui a été révélé dans Blackbird qui déjà évoquait la société et les réactions face aux apparences…. C’est très touchant à la fois pour la famille et la société….

Ton comédien est un peu à l’image du film, incroyable de subtilité

MD : Alex est extraordinaire. C’est le dernier à être arrivé en audition. Le casting a été fait sur plusieurs jours avec des comédiens beaucoup plus jeunes que lui….Je ne trouvais pas l’acteur que je voulais. Puis il est arrivé dans la salle. Il avait un costume. C’était déjà lui. Il vivait le personnage.

ST : Tu le connaissais d’avant ?

MD : Je l’avais vu dans Blackbird…Et son personnage était très différent. A la seconde audition, il est venu me voir en me demandant « est-ce qu’il faut que je te dise mon âge ? »…Et je n’ai pas voulu qu’il le me dise…Résultat je ne connais pas son âge.

C’est un acteur russe d’origine, ces parents ont émigré d’abord en Angleterre puis au Canada. Il a une lumière incroyable…

ST : Est-ce qu’il parlait français ?

MD : Pas du tout !

ST : C’est aussi l’une des jolies choses du film, à partir du moment où tu le fais parler en français. Tout comme le fait que le film pose beaucoup de questions sans y répondre. Par exemple quand la mère d’Allan demande à Maurice s’il ne faut pas, justement, s’intégrer… C’est une belle phrase à laquelle Maurice n’a pas de réponse…

MD : Oui…Que peut-on répondre à ça ? Je me suis souvent posé la question. Comment pourrait-on réagir en tant que parents ?

ST : Il y a deux très belles phrases dans le film qui pourraient le résumer : « I’ve been in his shoes » et « you’re gonna break his heart ». Si tu dois en choisir une pour caractériser le film ?

MD : (après reflexion) : You’re gonna break his heart !

ST: Merci à toi ! Le film est pour moi très réussi, c’est un petit bijou !

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Le film vient d’être vendu à Collaborative Films pour les États-Unis lors de la dernière Berlinale. Il sera projeté mardi soir en première lors des Rendez-vous du Cinéma Québécois. C’est un coup de cœur Cinemaniak qu’il ne faut pas manquer !

 

 

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