Dans ce film contemplatif, loin du documentaire traditionnel, Raymond St-Jean « va à la rencontre des Shakers, cette communauté religieuse protestante américaine qui a connu son apogée au 19e siècle, mais qui s’est presque éteinte depuis, laissant derrière elle une multitude de créations originales dans les domaines du design de meubles, de l’architecture et du chant.♥♥♥½
Inspiré par la culture shaker, le chorégraphe Tero Saarinen a créé Borrowed Light, une œuvre sur la vie en communauté et le sacrifice individuel. Tourné en Finlande et aux États-Unis, avec des extraits de Borrowed Light et des entrevues exclusives, Une chaise pour un ange examine le paradoxe de l’héritage culturel de ce mouvement religieux, dont le credo n’accordait aucun intérêt à l’art, ni même à la simple idée de beauté ». Après les fictions Out of Mind: The Stories of H.P. Lovecraft et Léa, et les documentaires L’oiseau de nuit, Ville fantôme et Le Mozart noir, Raymond St-Jean revient avec un film dans lequel se côtoient le documentaire, la fiction, la danse et l’expérimentation artistique. Une chaise pour un ange a ouvert le dernier Festival International du Film sur l’Art de Montréal et y a remporté le prix de la meilleure ouvre canadienne ainsi que le prix ICI Artv pour la meilleure réalisation canadienne francophone.
Le film propose non seulement une incursion extrêmement intéressante dans la réalité des shakers, mais nous offre aussi une réflexion sur la durée. Le fond et la forme s’unissent pour contrer au règne de l’urgence qui agit sur nos sociétés hypermodernes. Dans la fabrication de leurs meubles, les shakers ne croyaient pas en la beauté ou la mode, ils travaillaient plutôt dans le sens du fonctionnel et du long terme. Dans leurs chorégraphies et leurs chants, on met de l’avant la simplicité et la progression, plutôt que l’abondance. Le silence jouant aussi un rôle important. Raymond St-Jean fait le choix de mettre les chorégraphies du finlandais Tero Saarinen dans leur entièreté. Longues et lentes, ces chorégraphies nommées Borrowed Light exigent de nous la patience. Et c’est par cette patience, et bien évidemment leur durée, que ces chorégraphies rayonnent. Par la beauté de leur lenteur. Et visuellement, la lumière découpe les corps, faisant jaillir la beauté et la précision du geste.
La simplicité et l’épuration sont des idées qui reviennent souvent dans le film. Pour les shakers, l’utopie d’un paradis sur terre ne pouvait s’atteindre que par une certaine simplicité volontaire, une élimination du superflu. Et c’est dans cette perspective que le film s’inscrit lui aussi. Épuré à son maximum, appuyant ainsi le propos du film, Un chaise pour un ange évite un problème que l’on retrouve avec de nombreux documentaires contemporains, la fioriture visuelle. Ce film opte plutôt pour la simplicité, l’essentiel.
Auteur: Simon Plante
Une Chaise pour un ange – Bande-Annonce – Coproduction Canada/Finlande from Michel Ouellette on Vimeo.