Canada, 2020
Note : ★★★ 1/2
Apatride : « Personne sans nationalité, aucun État ne la considérant comme son ressortissant ».
Présenté dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (dans la section Contester le pouvoir), qui se déroulent en ligne cette année, le film Apatrides de la réalisatrice d’origine haïtienne Michèle Stephenson cristallise la grave problématique d’un racisme d’État en République dominicaine qui vise les ressortissants haïtiens.
Dès le générique d’ouverture, la réalisatrice nous introduit à l’histoire du conflit : « La République dominicaine et Haïti se partagent l’île d’Hispaniolia. Malgré une solidarité transfrontalière historique, les tensions raciales existent entre les deux nations depuis le régime colonial. En 1937, pour mieux contrôler la frontière poreuse et blanchir la population dominicaine, le dictateur Rafael Trujillo a ordonné le massacre génocidaire de milliers d’Haïtiens vivant en République dominicaine. Des Dominicains à la peau plus foncée ont également été victimes de cette ordonnance. En 2013, la Cour constitutionnelle dominicaine a révoqué la citoyenneté des Dominicains d’ascendance haïtienne, une décision rétroactive à 1929. Plus de 200 000 personnes sont aujourd’hui apatrides et n’ont plus de foyer ni de nationalité. »
Coproduction entre l’ONF et Hispaniola Productions, ce documentaire de Michèle Stephenson suit la jeune avocate Rosa Iris dans son combat contre les forces aux pouvoirs et les décisions politiques (absurdes et inhumaines) dans le but de redonner la citoyenneté à ces personnes qui sont ciblées par cette loi immonde. Mère monoparentale d’un jeune garçon avec lequel elle a une formidable relation, Rosa élargit sa lutte pour les citoyens dominicains d’origine haïtienne en proposant sa candidature en politique contre le président en place Danilo Medina.
Parallèlement à cette lutte dans laquelle s’est engagée Rosa, la réalisatrice nous confronte à la position d’une autre femme, Gladys, avocate en droit civil et membre du Mouvement nationaliste. Arrière-arrière-petite-fille d’un des hommes qui a participé au soulèvement de Capotillo pour l’indépendance du pays, Gladys ne cache pas sa position d’expulser les dominicains d’ascendance haïtienne dans leur pays. Prenant part à des soirées de discussions entre femmes où elles exposent leur position face à cette « invasion illégale », comme elles l’appellent, Gladys pointe les Haïtiens comme un peuple violent.
Cette loi révoquant la citoyenneté des Dominicains d’ascendance haïtienne fortifie l’idée d’un nationalisme pervers et nocif au vivre ensemble pour lequel tant de gens se démènent, dont Rosa Iris. Or, ce racisme instauré par l’État camouflé sous un nationalisme pourri fait écho à plusieurs débats qui ont lieu actuellement, rendant ainsi le documentaire de Michèle Stephenson encore plus nécessaire.
Bande annonce originale avec sous-titres français:
Durée: 1h06
Crédit photos: ONF/Hispaniola Productions
Ce film a été vu dans le cadre des RIDM 2020.