Animation pour adulte par le scénariste du brillant Being John Malkovitch . Riche d’intérêt mais inabouti ♥♥♥
Charlie Kaufman n’est pas le premier venu au septième art (même si c’est son premier projet de grande ampleur en réalisation) puisqu’on lui doit un nombre important de scénarii dans le cinéma indépendant américain pour Spike Jonze ou Michel Gondry notamment. Pour Anomalisa, il se joint à un co-réalisateur (Duke Johnson) afin de mettre en scène un scénario mature et plutôt semblable à ce qu’on connait de lui.
Vendu comme un chef d’œuvre par bien des médias (dans la bande annonce comme sur l’affiche), Anomalisa est de ces films plutôt déroutants qui peuvent fasciner autant que rebuter. Pour exemple Being John Malkovitch et Eternal Sunshine of the Spotless Mind ne sont pas à mettre entre toutes les mains.
Afin d’apprécier pleinement ces films, il convient de se laisser emporter par leur différence et leur proposition de cinéma. Forcement Anomalisa fonctionne de la même manière.
Nous suivons donc Michael Stone, auteur d’un ouvrage sur le développement personnel centré sur le service à la clientèle et de passage à Cincinnati afin d’y donner une conférence. Durant son (court) séjour, il sera amené à rencontrer des femmes, loin de son nid familial…et plutôt décontenancé de devoir gérer ses émotions par lui-même. Comme un constat de la banalité de son existence….
Comme de coutume, le scénario est recherché et intéressant. Il y a dans l’écriture de Kaufman des boucles qui s’installent et viennent se compléter au fur et à mesure du récit. Ici, pour le mettre en œuvre, il a souhaité faire appel à la fois à du stop-motion et à la manipulation de « poupées » conçues par des animateurs (ce qui est perceptible à l’écran). Si la technique semble proche des papas de Wallace et Gromit, le rendu final (son style) en est toutefois à des années lumières. Au total, ce ne sont pas moins de 118 089 photographies qui furent nécessaires au stop-motion pour créer les illusions de mouvements sur 18 décors et 1000 accessoires fait main (les visages des personnages étant des impressions 3D)
Toutefois, il place le spectateur dans un sentiment de mal-être qu’on pourrait questionner à savoir s’il était ou non recherché. Ainsi, cet échange entre trois personnes dans un couloir suivi d’une scène de sexe au combien dénuée de romantisme, font perdre au film une partie de son charme. Était-ce là l’effet recherché ? Sans doute le souhait de réalisme dans la fiction ou de fiction dans l’animation était d’essayer de coller le propos vers un premier niveau de naturalisme (l’envie de ne rien censurer). Toujours est-il que scénariste n’y va pas par quatre chemin (jusqu’à donc montrer un acte sexuel cru en animation). D’ailleurs on peut imaginer que c’était pour gagner cette liberté que les scénaristes ont fait appel au sociofinancement (plutôt qu’à des producteurs qui les auraient sans doute bridés).
Mais ce parti-pris aurait gagné à être mieux intégré dans un développement plus long. Car après une première partie plutôt mélancolique, le long métrage prend un virage assez brusque qu’il ne développe finalement pas assez.
La dernière partie laisse place à de nombreuses ouvertures qui laissent paraitre l’étendue de possibles qu’aurait pu être Anomalisa.
Vous l’aurez compris, à des années lumières de ce que l’animation à jusque-là osé proposer en terme de traitement, Anomalisa se veut un divertissement pour adulte apportant une certaine réflexion sur le monde qui nous entoure. Ce n’est ni une fable ni un romance (contrairement à ce que peut laisser supposer l’affiche) mais un mélange de genres qui sera sans doute renouvelé dans le futur.
Au final, le doute persiste s’il faut considérer cela comme de l’animation (les Golden Globes et les Oscars ont nommé le film dans cette catégorie) ou comme un film traditionnel. La Mostra de Venise, le film a toutefois concouru sans distinction de genre et il y a même remporté le Grand Prix.