Alexandre Landry homme-objet pour Rodrigue Jean ♥♥♥½
Alex est un jeune toxico qui se prostitue dans le quartier Centre-Sud de Montréal. Autour de lui gravitent Bruno, Simon, Jeanne, Éric et Velma, tous pris dans une même spirale de compulsion. Otages d’une société qui les exclue et les enferme dans son implacable logique marchande, ils sont les anges déchus d’une époque violente et sombre. Sans passé ni avenir, ils traînent leur arrogante solitude au gré d’un éternel présent ponctué par les gestes brûlants de leur consommation effrénée. Mais au milieu des ruines, leur beauté demeure insoumise….
Ne vous fiez pas à ce pitch extrêmement lyrique et romantique, L’amour au temps de la guerre civile est très loin du conte de fée ou de l’exercice de style cinématographique. En effet, c’est même tout le contraire : un film dur, direct, cru et qui présente une certaine réalité très pessimiste du monde actuel.
Rodrigue Jean (prix du meilleur long métrage canadien en 2008 au TIFF pour Lost Song) affectionne l’aspect documentaire et c’est perceptible tout au long de son dernier long métrage. Déjà Hommes à louer (2005-2007) était une prémisse de ce travail de fiction désormais abouti (où se situe le réel, la vérité, la fiction ?). Pour ce nouveau long métrage, le réalisateur a travaillé sous forme d’ateliers d’écriture dans le cadre d’un projet appelé Épopée-travailleurs du sexe. Le produit final est un ensemble abouti autour d’un personnage principal (Alexandre Landry) qui n’est jamais magnifié, jugé ou sauvé…
Le résultat est donc un docu-fiction tant la caméra de Rodrigue Jean suit son personnage principal sans aucun soucis d’intrigue, de narration et donc de rythme. C’est une réalité qu’il est difficile à accepter dans les premières minutes. Passé ce constat de départ d’une forme « atypique », l’œuvre devient fascinante avec des images qui ne s’interdisent rien présentant un « État du monde » prêt à en retourner quelques-uns.
Il convient de saluer le courage des comédiens complètement au service de cette recherche documentaire…des confirmés Eric Robidoux et Alexandre Landry en passant par le nouveau venu Jean-Simon Leduc (excellente révélation et qui nous ont accordé une entrevue)
Ce n’est ni un film LGBT, ni une réflexion sur la prostitution masculine; c’est bien plus que ça !
Réflexion psychologique sur l’état du monde, d’une jeunesse dépassée, de vies incontrôlées et incontrôlables….L’amour au temps de la guerre civile appuie là où ça fait mal !