Abus de faiblesse

Portrait intime et déprimé – ♥♥

Affaiblie par une hémorragie cérébrale qui l’a rendue hémiplégique, la réalisatrice Maud Schoenberg se lance dans la préparation de son nouveau film. Après avoir vu à la télévision Vilko Piran, arrogant arnaqueur de célébrités repenti, elle veut absolument qu’il incarne son nouveau personnage principal. Commence alors une relation de manipulation qui va les mener très loin.

Abus_de_faiblesse_afficheAbus de faiblesse met en scène la relation malsaine d’amour/répulsion, la manipulation affective et de domination, voire de sadisme, envers une femme en perte de repères et d’ancrage, dans une vie qu’elle ne maîtrise plus. Contre l’avis de tous, elle ne considère plus que cet homme qui s’impose à elle, comme sa bouée de sauvetage et son seul objet d’intérêt. La manipulation affective d’une personne en situation vulnérable perturbe déjà, en tant que telle, mais la réalisatrice (réelle) en rajoute et joue elle aussi avec le spectateur en mettant en scène son double fictif, femme-enfant déboussolée et en appuyant beaucoup sur l’égoïsme et la perversité du monstre Vilko.

La réalité a rattrapé la fiction et le film a rapidement fait l’objet d’une plainte de Christophe Rocancourt envers Catherine Breillat, estimant qu’il violait clairement l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme protégeant «le droit au respect de la vie privée et familiale». Même si la réalisatrice n’a de cesse de répéter que sa nouvelle œuvre (adaptée de son livre éponyme de 2009, écrit avec Jean-François Kervéan) n’est pas autobiographique, il est impossible au spectateur de ne pas constamment faire le lien entre réalité et fiction. Cependant, l’interprétation très contestable des deux interprètes principaux nous empêche de nous attacher aux personnages, tellement Isabelle Huppert reste dans son registre habituel de la femme au bord de la crise de nerfs les yeux rougis. Infirme oubliant parfois les handicaps du personnage avant de se reprendre, elle manque de crédibilité en femme qui perd le sens commun et croit tout ce que cet homme lui promet, même les choses les plus farfelues. Sans aucun aura, on a beaucoup de mal à croire au personnage caricatural incarné par Kool Shen, manipulateur des stars et voulant séduire et mettre à sa botte toutes les femmes autour de lui, alternant entre moments d’une méchanceté hors-limite et bribes d’attention, sans honte ni regret.

Personne n’a grâce aux yeux de  yeux de Catherine Breillat et elle dépeint chacun dans ses faiblesses, ses renoncements et ses défauts. Critique envers elle-même quand elle montre qu’elle a perdu le sens commun et toute compassion envers sa famille, elle égratigne tout le monde, comme le personnage de Sonia Rolland (Andy dans le film, jouée par Laurence Ursino) qui passe au mieux pour une ravissante gourde, au pire une complice. On voit peu à peu le personnage de Maud tomber dans les griffes de l’escroc, cela étant d’autant plus aisé que sa famille la délaisse, comme sa propre fille (Hortense dans le film, jouée par Daphné Baiwir) qui, dépassée entre ses enfants, sa grand-mère sénile et sa mère à la dérive, lui annonce qu’elle ne peut s’occuper d’elle et veut la placer en maison de repos. Elle tombe alors peu à peu sous l’emprise du voyou qui lui soutirera près de 800 000 €, ce qui l’obligera à hypothéquer sa propre maison. Pour enfoncer davantage le clou, la musique de Didier Lockwood, très lourde et trop présente, écrase encore un peu plus le propos. En nous détaillant par le menu tout ce qu’elle a subi, sans dépasser la simple exposition, on ne voit plus qu’un enchainement de scènes qui se surajoutent sur cette pièce montée de déprime, jusqu’à la scène finale, forte et poignante, d’une femme acculée, seule et devant s’avouer vaincue et sans ressource, devant les yeux des siens. On retrouve alors la cinéaste telle que l’on aime, dans sa simplicité sèche et glaçante.

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