En ce mois de la fierté, la conception d’une liste de films LGBT certifiés out of the box me fut irrésistible. Ainsi, je me gâte avec 5 suggestions de longs métrages abordant de près ou de loin la communauté Queer, mais, fidèle à moi-même, dans un contexte étrange ou sanguinolent. Ainsi soit-il.
» Un frère (Victor Habchy, Martin Escoffir, 2018)
On commence en douceur avec ce coming of age à la fois tendre et douloureux. Tom (Simon Royer), un jeune homme de 15 ans sensible et naïf fait la rencontre Félix (Marin Lafitte), 17 ans, avec qui il s’apprête à passer l’été, les parents de ce dernier étant venus passer les vacances dans le chalet familial de Tom. Durant cet été, les deux garçons développeront une intime complicité, Félix initiant Tom aux fêtes d’adolescents, aux drogues douces et à la sexualité.
Amour d’été, adieux douloureux, intimidation et découverte de soi sont les thèmes qui composent majoritairement ce Call me By your name (Luca Guadagnino, 2017) à la française, une histoire d’amour plutôt convenue mais authentique et ô combien efficace. Les personnages sont attachants, particulièrement celui de Bertille (Oraine Barbaza), la jeune sœur collante de Tom qui tente toujours de passer du temps avec son frère et Félix. Les scènes d’intimité entre les deux garçons sont belles et honnêtes, à la fois mignonnes et un peu awkward. Le côté petit budget assez évident (qui ne brise aucunement le charme du film) et sa finale particulièrement troublante sont les raisons qui m’ont poussé à inclure ce film dans cette compilation.
« J’ai pas envie que tu partes. »
Voir le film ici.
» Heavenly Creatures (Peter Jackson, 1994)
Ce sublime long métrage, passage inattendu du réalisateur Peter Jackson de la comédie gore au film dramatique, raconte l’histoire vraie de Pauline Parker et Juliet Hulme et du terrible crime qu’elles ont orchestré dans les années 1950.
Pauline (Melanie Lynskey), une jeune fille créative et solitaire, fait la rencontre d’une nouvelle élève de son école, Juliet Hulm (Kate Winslet), adolescente effrontée et rêveuse. Ces deux êtres ayant tendance à vivre dans un monde imaginaire se lieront d’amitié pour créer un monde bien à eux, un univers qui les rapprochera très intimement, à la grande désapprobation de leurs parents homophobes. Les tentatives de ces derniers pour les séparer les forceront à commettre l’irréparable.
Véritable tour de force, cette œuvre glauque cachée sous une couche épaisse de poésie et de fantaisie fascine par sa réalisation ambitieuse et la force de ses propos. La vision de l’homosexualité très conservatrice des années 1950 fait presque autant mal que les dernières minutes du film, une scène infiniment dure à regarder même pour la fan de morbide que je suis. Un incontournable du cinéma queer, du cinéma dramatique, du cinéma fantastique, du cinéma tout court.
« It’s the intensity of the friendship that concerns me. I think that we should avert trouble ».
Bande-annonce originale :
» Notre Paradis (Gaël Morel, 2011)
Enfonçons nous encore plus loin dans le duo criminel avec ce film magnifiquement dérangeant. Vassili (Stéphane Rideau) est un gigolo trentenaire pour qui les affaires vont mal. Violent, il n’hésite pas à tuer les clients qui le méprisent. Un jour, dans la rue, il tombe sur un garçon de 17 ans violenté, Angelo (Dimitri Durdaine), qu’il prendra sous son aile. Un amour naît de cette rencontre, amenant les deux hommes à travailler et assassiner ensemble. Ils embrassent l’idée de voler et s’installer dans une luxueuse maison de campagne avec Anna (Béatrice Dalle), une amie de longue date de Vassili, et le jeune fils de cette dernière. Tout va dégénérer.
Cette sombre fable nous plonge dans l’univers de la prostitution masculine, misant surtout sur le côté dangereux du métier. Médecins clandestins collectionnant des échantillons de sang, clients sadiques s’amusant avec des rats en cage, comportements pervers et narcissiques, tout est en place pour nous rendre mal à l’aise. L’inconfort fonctionne, et pourtant, impossible de rester indifférent au sort de ces deux antagonistes. Fans d’homoérotisme, de thrillers et de Béatrice Dalle, pas de temps à perdre, on découvre Gaël Morel.
« C’est le paradis qui nous attend. Tant qu’on n’y est pas, tout est permis. »
Bande-annonce originale :
» Tom à la ferme (Xavier Dolan, 2013)
On poursuit dans l’homoérotisme en contexte rural. Tom à la ferme de Xavier Dolan raconte sans surprise l’histoire de Tom (Dolan lui-même) qui, suite à la mort de son amant, se rend à la ferme familiale de ce dernier pour les funérailles, où il rencontrera pour la première fois la mère instable de son défunt copain (Lise Roy), ainsi que Francis (Pierre-Yves Cardinal), son frère macho et agressif. La mère ignorant la vraie nature de la relation entre Tom et son fils, Francis fera tout en son pouvoir pour empêcher la chose de se savoir, quitte à user de violence physique et psychologique. De cette relation malsaine naîtra un jeu de plus en plus sadomasochiste entre ces deux âmes torturées.
Ce long métrage nous présente une boucle amour-haine entre deux protagonistes qui vivent le deuil chacun à leur façon. L’un dans la domination, l’autre dans la soumission. Cette constante tension semble pourtant les rapprocher, n’empêchant pas quelques moments de tendresse, comme une scène de leçon de danse agréablement filmée et une scène de strangulation contrôlée. Cette affection atypique nous tient sur le bout de notre divan jusqu’à la fin du générique (oui, oui) et joue avec notre tête et notre rythme cardiaque. À découvrir si de Dolan vous n’avez vu que Mommy.
Notre critique lors de sa sortie, ici.
« On meurt pas à 25 ans. Ça c’peut pas. Ça c’peut pas. Ça c’peut pas. »
Bande-annonce originale :
» Sleepaway Camp (Robert Hiltzik, 1983)
On termine cette compilation avec ce classique de l’horreur cheesy qui a tenté de surfer sur le succès de Friday the 13th (Sean S. Cunningham, 1980) comme beaucoup d’autres slasher de cette décennie. Ce qui positionne tout de même Sleepaway Camp dans une case à part, c’est sa finale inattendue (spoiler alert).
Depuis la mort de son père et de son frère dans un terrible accident, la jeune Angela (Felissa Rose) vit chez sa tante Martha (Desiree Gould) avec son cousin Ricki (Jonathan Tiersten). Un été, les deux adolescents sont envoyés dans un camp de vacances, où la jeune fille, timide et silencieuse, sera victime de la méchanceté des campeurs et des moniteurs. Cependant, tous ceux qui se sont amusés à intimider Angela se mettent à mourir de façons particulièrement cruelles.
Jusque là, c’est un scénario typique de film d’horreur de camp de vacances. Ce qui fait que ce film possède sa place dans ma compilation c’est, comme je le mentionnais, sa finale. Dans les dernières minutes du film, nous apprenons que non seulement Angela est responsable de la mort de ses camarades, mais aussi qu’elle est en fait Peter, le frère survivant de l’accident, la véritable Angela y ayant péri. Après avoir été hébergée chez Martha, cette dernière a forcé l’enfant à vivre comme étant Angela, n’acceptant pas un garçon de plus dans la famille.
C’est à partir de cette révélation que le reste du film prend tout son sens. Le refus d’Angela de se doucher avec les autres filles. Son ambiguïté face aux avances de Paul (Christopher Collet), le seul garçon à s’avérer gentil envers elle. Ses souvenirs de son père caressant un autre homme dans son lit. Cette atmosphère très ouvertement LGBT friendly, particulièrement audacieuse pour ce début des années 1980, fait de ce long métrage un slasher atypique ayant osé aborder le thème de l’identité de genre.
« God, she’s a boy. »
Bande-annonce :